Numéro 1 - Printemps 2017

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Éditorial : Briser l'isolement des auteur.e.s


Éditorial : Briser l'isolement des auteur.e.s

David Baudemont

Contenter un groupe hétéroclite d’une dizaine de poètes, dramaturges et romanciers lors d’une retraite-atelier de trois jours, ça paraît être une mission impossible. Pourtant, ça marche.

Quel est donc le secret de retraite des écrivains francophones de la Saskatchewan qui se déroule tous les ans depuis 9 ans au monastère bénédictin de St.Peter, à 100 km à l’est de Saskatoon? Est-ce le lieu, le temps de l’année, la formule qui importe le plus? Comment, en même temps, guider l’écrivain débutant en quête de sa propre voix et l’auteur expérimenté qui cherche à tester l’impact d’un manuscrit qu’il vient d’achever? Oh!, bien sûr, certains devront tirer un trait sur leurs attentes et en ressentiront de la frustration. Mais souvent, un autre aspect de leur créativité, un autre volet de leur savoir-faire leur sera révélé.

C’est la diversité des voix et des plumes qui sont présentes qui d’elle-même révèle les particularités de chacun. Au gré des années, on a vu des auteurs et des animateurs d’origine acadienne, française, fransaskoise, finlandaise, québécoise, africaine, canadienne-anglaise, etc. (On espère élargir encore cette diversité en ouvrant la retraite aux autres provinces de l’Ouest.)

Tous ces auteurs, je crois, avaient comme but premier de briser leur isolement. Être écrivain francophone dans l’Ouest, c’est forcément une certaine solitude avec risque élevé de blocages, découragement, abandon de projet, au choix.

L’animateur réveille d’abord l’élan premier. Que ce soit Herménégilde Chiasson, Paul Savoie ou Robert Poirier par une écoute intime, Jacques Lessard par une méthode créative puissante ou Nicole Brossard par ses discussions ouvertes, tous les formateurs ont réussi à catalyser la créativité du groupe. Dès la première journée, une sorte de communion s’opère autour du mot (est-ce que l’ambiance monastique du lieu y concoure?). Les barrières tombent, on se regroupe le soir autour d’un cabaret littéraire improvisé arrosé de vins, de textes déclamés par les auteurs eux-mêmes ou des lecteurs bénévoles. On baptise ces soirées « gueuloirs », un terme emprunté à Flaubert lui-même. Rires, pleurs et exclamations se mêlent, les heures passent, euphoriques, inoubliables.

Et puis, il y a les instants de grâce. Je me souviens d’un exercice déjanté proposé par un des participants, à 22 heures passées, qui nous réunit tous dans un atelier d’art visuel situé dans les combles du monastère. De puissantes images géométriques mystérieuses m’apparurent sous forme de visions. Ce fut le départ de l’écriture d’une pièce de théâtre, Orange aux pays des Angles, inspirée d’une série de dessins abstraits.

Ce genre d’expériences furent-elles exceptionnelles? Non, absolument pas. Nombres d’auteurs ont connu ce genre d’émergences spontanées à la suite d’une simple remarque, d’un commentaire ou d’une question posée par un des participants.

Que dire de plus?  Si, à la fin du printemps, vous voyez passer dans votre boîte de réception un courriel du Conseil culturel fransaskois et de la Coop des écrivains de Saskatoon vous invitant à soumettre votre candidature, n’hésitez pas à tenter l’aventure.

Longue vie à la retraite de St.Peter!

David Baudemont

David Baudemont

David Baudemont est né en France et réside depuis plus de vingt-huit ans à Saskatoon. Artiste visuel, écrivain et dramaturge, il a écrit de nombreuses pièces de théâtre, romans jeunesse et essais. Il illustre lui-même ses ouvrages. Lauréat des Saskatchewan Book Awards et finaliste du prix Saint-Exupéry, ses livres ont un rayonnement international. En 2015, il a publié Lignes de Fuites, un essai sur le thème des Prairies illustré à l’encre et au fusain.

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Printemps 2017

Un jour de grand vent (extrait) Un jour de grand vent (extrait)

Mardi le 10 mai ’66. De bonne heure le matin, au Restaurant Lafontaine à Métabetchouan au Lac-Saint-Jean. L’accent du Lac est présent à différents degrés chez les personnages. Il affecte en particulier Monsieur Pit, un sympathique septuagénaire à la retraite. Jeannot Lafontaine, douze ans, est debout derrière le comptoir. Il porte son uniforme d’écolier  sous un tablier. Monsieur Pit est assis à son...

La Voie lactée La Voie lactée

Il était une fois,
au fin fond du Far West canadien,
dans une province au nom imprononçable,
une cavalière redoutable.

Le grand barrage

À défaut d'être aimé, Henri était respecté de tous les castors. Sa supériorité ne laissait aucun doute. On n'avait qu'à regarder son barrage pour comprendre qu'il était plus doué que les autres.

Knockout

L’aiguille de glace qui arracha Victor Florkowski à la vie ressemblait à un ivoire de mammouth. Elle était aussi large qu’un pneu, aussi longue que la victime, et se rétrécissait en une pointe cristalline —  à double tranchant — dont la beauté fatale resplendissait sous clair de lune.

Cantate pour légumes (Extrait)

Au cœur de ce texte sont quatre êtres qui ont perdu leur voix, la capacité d’exprimer leur volonté et leur angoisse. Ancrés dans leurs fauteuils roulants, Asperge, Gourde, Navet et Asperge rêvent d’évasion. Dans les solos de la cantate, les légumes expriment leurs désires les plus profonds.

Triptyque - Micro nouvelles Triptyque - Micro nouvelles

Au coin de l’avenue Idylwyld et la 23e un bip discontinu se fait entendre à ma gauche. Un clignotement sonore: on peut traverser.  Entre les deux lignes on peut traverser. “Passez, monsieur. Priorité aux piétons.” Oui, on peut traverser. On peut traverser si les autos s’arrêtent.

Entreciel

Sorties de l’entretoit des corniches des greniers de mille espaces connus d’elles seules oubliés par concierges et architectes, les hirondelles occupent dès le matin l’entreciel, la part élevée de Madrid, en rase-tête des habitants des terrasses jusqu’à la proximité des saints perchoirs, des croix des antennes, faisant fi de nos communications avec l’au-delà.

La mousse La mousse

Maman, pourquoi c’est mouillé ici? 

C’est la mousse, mon chéri. Fais attention à ne pas glisser.

De la supercherie De la supercherie

Cette réflexion est née d’un constat. La vie ne nous appartient pas. Elle nous a été léguée et nous la rendrons en même temps que notre dernier souffle.

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