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Des noms d’oiseaux lourds à porter

Des noms d’oiseaux lourds à porter
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Une centaine d’oiseaux d’Amérique du Nord portent des noms honorifiques, dont certains sont très difficiles à porter. Un mouvement en plein essor vise aujourd’hui à les remplacer par souci d’inclusion.

En zoologie, les règles sont strictes. Pour nommer une espèce, on ne rigole pas. Aucune familiarité n’est permise. La nomination binominale est de rigueur, et ce, depuis que le naturaliste Carl von Linné en a décidé ainsi au 18e siècle.

Chaque espèce est ainsi désignée par une combinaison de deux mots, le premier circonscrivant un genre et le second une espèce. Et en latin s’il vous plaît ! C’est ainsi que nous autres Homo sapiens sommes différents des Homo erectus avec qui nous partagions des caractères similaires et un ancêtre commun.

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Carl von Linné (1707-1778) était un naturaliste suédois, père de la nomenclature binominale. Crédit : Domaine public

Alors forcément, quand on crée les règles, on a plus de chances de gagner. C’est pour cela que Linné avait la mainmise sur l'essentiel des espèces vivantes connues à son époque, s'appuyant sur ses observations et celles de son réseau de correspondants.

Prenons pour exemple un oiseau charmant de nos jardins : la mésange à tête noire. Si vous tapez son nom sur internet, vous verrez son nom scientifique apparaître : Poecile atricapillus (Linnaeus, 1766). Traduction : Linné fut le premier descripteur de cette espèce en 1766.

Quid des nouvelles espèces ?

Bien qu’improbable, que se passerait-il si vous découvriez un moustique inconnu du monde scientifique durant votre fin de semaine au chalet ? Auriez-vous carte blanche sur le choix du nom de l’espèce ? Pratiquement, oui !

C’est ainsi que, récemment, Eriovixia gryffindori est arrivée dans nos vies. Une charmante araignée dont la forme ressemble étrangement au choixpeau magique d’Harry Potter. Citons également Scaptia beyonceae, petite drosophile dont la plastique en fait, selon le découvreur, « la diva des taons ».

La Commission internationale de nomenclature zoologique a néanmoins fixé des limites pour éviter les dérives. Il est ainsi admis qu'aucun auteur ne doit proposer un nom susceptible de heurter. Mais cela n'a pas toujours été le cas.

La plupart des espèces portant des noms d’êtres humains doivent leur identité à des naturalistes célèbres, tels que l'ornithologue Alexander Wilson (1766-1813). Si ces noms ne suscitent guère de controverses, d'autres portent un fardeau beaucoup plus lourd.

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Le nom de la drosophile Scaptia beyoncea a été inspiré de la chanteuse Beyoncé. Crédit : Bryan D. Lessard

C’est le cas du Plectrophane de McCown, un passereau dont le nom scientifique est Rhynchophanes mccownii. Cette espèce en danger du sud de la Saskatchewan a été nommée en hommage à John Porter McCown, général dans l’armée des États confédérés.

Depuis 2013, des hommes et des femmes se battent pour modifier les terminologies afin de rendre le monde de la recherche et des amateurs d’oiseaux beaucoup plus inclusif. Sous la pression grandissante, la Société d’ornithologie américaine vient d'annoncer que, dorénavant, seule l'appellation « Plectrophane à gros bec » serait utilisée.

À la manière des statues de dictateurs démantelées dans certaines villes, cette décision a une portée historique qui va bien au-delà du simple milieu de la zoologie. D'autres espèces devraient prochainement connaître le même destin.