Skip Navigation

Exposition de deux grands artistes autochtones à Saskatoon

Rétrospectives de deux des plus grands artistes autochtones des soixante dernières années

Oeuvres de Norval Morrisseau

Oeuvres de Norval Morrisseau

Avant-plan : Acrylique sur veste de cuir, non daté, techniques mixtes, Collection privée Westerkirk
Arrière-plan : Shaman Astral Guide l (à gauche) et Shaman Astral Guide 11 (à droite), 1978, 119”x54”, Acrylique sur toile
©Photo: Jean-Philippe Deneault, avec l'aimable autorisation de la galerie d'art du Wanuskewin Heritage Park
SASKATOON - Les artistes autochtones, bien qu’ils rayonnent souvent à l’extérieur du pays, ont peine à obtenir des expositions majeures dans les musées et cela ne date pas d’hier. Bien qu’il reste encore beaucoup de travail à faire dans ce sens, les amateurs d’art de Saskatoon ont eu l’occasion en ce début d’année de découvrir deux des plus influents artistes autochtones canadiens. La présentation successivement de deux rétrospectives distinctes de ces artistes constitue donc un excellent pas en avant.

Les deux artistes, Anichinabés, Rebecca Belmore (1960 -) et Norval Morrisseau (1931-2007) ont marqué à eux deux des générations d’artistes autochtones. Ils tous les deux sont nés à trente ans d’écart, aux alentours du Lac supérieur en Ontario. Bien que l’exposition Power Lines : The Work of Norval Morisseau présentée à la galerie d’art du Wanuskewin Heritage Park s’est clôt à la fin janvier, Rebecca Belmore : Facing the Monumental, est toujours en cours au Remai Modern de Saskatoon.

Rebecca Belmore

Rebecca Belmore

Rebecca Belmore

Le 1er février dernier, plus de 250 admirateurs de Belmore se sont entassés à l’étage supérieur du Remai Modern pour l’écouter discuter avec la commissaire Wanda Nanibush de son parcours des trois dernières décennies. Habituée du circuit des biennales internationales, il était grand temps qu’une exposition majeure soit consacrée à Belmore a affirmé la commissaire. Ce fut donc le cas à l’été 2018 à l’Art Gallery of Ontario (AGO) et la rétrospective de l’œuvre de Belmore présentée à Saskatoon du 1er février au 5 mai en est en fait l’adaptation. Dans sa première mouture, l’exposition a fait l’objet d’un important article dans le New York Times. L’auteur soulève notamment la question de la sous-représentation (under-representation) et la représentation erronée (misrepresentation) en général du travail des artistes autochtones dans les institutions muséales nord-américaines, et la manière dont le tandem Belmore-Nanibush s’attaque au problème. 

Deux œuvres en lien avec la ville des ponts ont été ajoutées à la présentation au Remai Modern. Belmore a tenue à recréer, devant l’entrée du musée, l’œuvre « Freeze », une série de blocs de glace dans lesquels sont gravées les lettres du nom STONECHILD, en souvenir de Neil Stoneshield, le jeune autochtone de 17 ans dont le corps gelé avait été retrouvé aux limites de la ville de Saskatoon après qu’il fut abandonné par des policiers en 1990. L’œuvre originale de Belmore et d’Osvaldo Yero avait été créé en 2006 dans le cadre de l’événement Nuit Blanche à Toronto. La présentation au Remai Modern comprend également une documentation vidéo de la performance intitulée Omaa (2014), performance que Belmore a réalisée au Wanuskewin Heritage Park lors du symposium Stronger Than Stone : (Re)Inventing the Indigenous Monument.

Rebecca Belmore est l’une des artistes contemporaines les plus importantes travaillant aux confins de l’art et de la politique. Au cours des trente dernières années, de par le monde, ses performances et installations immersives ont été conçues en grande partie en réaction aux violences passées et actuelles exercées à l’égard des peuples autochtones.  La mémoire et l’écoute font parmi les principaux leitmotivs de son œuvre. Rien n’est gratuit. Le choix des matériaux souvent naturels, les gestes posés lors de performances, la photo d’archive choisie, bref, toutes les propositions esthétiques de Belmore sont mis en avant avec une précision chirurgicale et sont empreints d’une poésie visuelle sans nom.

Norval Morriseau

Norval Morriseau

Norval Morrisseau

En 2006, lorsque le Musée des beaux-arts du Canada a présenté la première rétrospective de son histoire consacrée à un artiste autochtone contemporain en organisant une rétrospective de l’œuvre de Morrisseau (in extremis un an avant la mort de l’artiste) les critiques fusèrent à l’effet que ce n’était pas trop tôt !

Ceci dit, aucune des œuvres présentées dans Power Lines : The Work de Norval Morrisseau n’ont fait partie de la rétrospective de 2006. Cette nouvelle exposition jette donc un regard rétrospectif complètement distinct sur l’œuvre de Morrisseau.  On y présente le travail de l’artiste à divers stades de sa carrière, ancré dans la tradition iconographique du récit anichinabé. La palette chromatique vive et les motifs colorés entourés de lignes noires que l’on associe à son œuvre et à la base de l’esthétique de la Woodlands School of Art dont il est le père spirituel, sont bien présents et notamment sur une veste en cuir, non datée, peinte à l’acrylique et placée de manière centrale parmi les tableaux.

Collectivement nous accusons une énorme dette à l’égard de Morrisseau et de son œuvre. À titre d’exemple, comme l’explique Carmen Robertson, chercheure Écossaise-Lakota, Morrisseau avait entamé une grande murale extérieure devant être présentée dans le pavillon des Indiens du Canada à l’occasion de l’Expo 67.  Les organisateurs se démontrèrent frileux à l’idée de présenter le récit d’oursons allaités par la TerreMère et Morrisseau refusant leur éventuelle censure finit par en abandonner la création plutôt que de devoir la modifier. Robertson défend que le rayonnement de son travail au Canada n’arrive que plus tardivement et que la présentation en 1989, à Paris, dans le cadre d’une exposition internationale au Centre Georges Pompidou, représente « un jalon important » dans la carrière de l’artiste.

L’accès aux diverses démarches et œuvres d’artistes d’envergure sont au cœur de la retransmission du savoir entre les générations d’artistes. Il est donc impératif que des expositions rétrospectives comme celles de Rebecca Belmore et de Norval Morrisseau puissent être vues par un grand nombre de jeunes artistes autochtones et non-autochtones. Sécuriser le legs artistique de tels artistes passe premièrement par l’obligation de les montrer.

À ne pas manquer

Rebecca Belmore: Facing the Monumental
Exposition, du 1er février au 5 mai, au Remai Modern (Saskatoon)

SakKijâjuk: Art and Craft from Nunatsiavut
Rétrospective d’œuvres d’artistes et artisans Inuits de la région du Labrador
Exposition, 16 février au 20 mai 2019 à la Mackenzie Art Gallery (Regina)


Jean-Philippe Deneault

Il signe à titre d’auteur depuis une dizaine d’années des recensions critiques d’expositions, entretiens, traductions et portraits d’artistes et de musiciens, pour le compte de Canadian Art, BlackFlash Magazine, Muse (magazine de l’Association des musées canadiens), Ottawa XPress, Le Panoptique, L’Eau vive, AKA Artist Run Centre et Sans-Atelier ainsi que les galeries St-Laurent Hill et Dunlop Art Gallery.

Print
22208

Jean-Philippe DeneaultJean-Philippe Deneault

Other posts by Jean-Philippe Deneault
Contact author

Contact author

x
Étudier en français sans le parler : le défi des élèves allophones

Étudier en français sans le parler : le défi des élèves allophones

L’intégration des élèves allophones, de plus en plus nombreux, représente un défi pour les écoles francophones en milieu minoritaire. 

Thursday, December 16, 2021/Author: Marine Ernoult – Francopresse/Number of views (6172)/Comments (0)/
Qu'est-ce que la communauté fransaskqueer?

Qu'est-ce que la communauté fransaskqueer?

La Cité universitaire francophone de Regina organisait une table ronde sur la communauté fransaskqueer, du nom d’un projet d’études sur l’identité et les expériences queer et trans des Fransaskois.

Sunday, November 28, 2021/Author: Estelle Bonetto – IJL-Réseau.Presse /Number of views (8965)/Comments (0)/
Éducation francophone : Me  Roger Lepage décortique l’article 23

Éducation francophone : Me Roger Lepage décortique l’article 23

Me Roger Lepage nous explique que la francophonie canadienne en situation minoritaire revient de loin en matière d’éducation en français.

Sunday, November 21, 2021/Author: Mehdi Jaouhari – IJL-Réseau.Presse/Number of views (9174)/Comments (0)/
Quel continuum en éducation pour les Fransaskois ?

Quel continuum en éducation pour les Fransaskois ?

Le Rendez-vous fransaskois qui avait lieu du 1er au 7 novembre touchait un sujet sensible et urgent : l’éducation. Dans cet article, vous trouverez un résumé des discussions qui ont eu lieu à ce sujet.

Saturday, November 13, 2021/Author: Marie-Lou Bernatchez/Number of views (8250)/Comments (0)/
Jean Féron : à la découverte d’un trésor bien caché

Jean Féron : à la découverte d’un trésor bien caché

Le Conseil culturel fransaskois a publié un troisième guide pédagogique consacre à Joseph-Marc Lebel, alias Jean Féron, l’un des joyaux les plus méconnus de la littérature francophone de l’Ouest.

 

Monday, November 1, 2021/Author: Estelle Bonetto/Number of views (7949)/Comments (0)/
Des balados en français pour les écoles

Des balados en français pour les écoles

Le Conseil culturel fransaskois a dévoilé son projet déCLIC, une série de balados éducatifs qui explore la construction langagière, identitaire et culturelle en Saskatchewan.

Monday, October 25, 2021/Author: Leslie Diaz/Number of views (6809)/Comments (0)/
Garderies à 10 $ : ententes opaques sur d’éventuelles clauses linguistiques

Garderies à 10 $ : ententes opaques sur d’éventuelles clauses linguistiques

La création d’un système public pancanadien de garderies à 10 $ améliorera le sort des parents canadiens, mais les francophones en situation minoritaire s’inquiètent du manque de places de garderie pour eux malgré tout.

Friday, October 8, 2021/Author: Marine Ernoult – Francopresse/Number of views (7550)/Comments (0)/
Garderies francophones : une cinquantaine de nouvelles places à Saskatoon

Garderies francophones : une cinquantaine de nouvelles places à Saskatoon

Apprenez-en plus sur les deux nouveaux établissements de la petite enfance francophones qui ont ouvert leurs portes récemment à Saskatoon.

Thursday, October 7, 2021/Author: Mehdi Jaouhari – IJL-Réseau.Presse/Number of views (8061)/Comments (0)/
Une Journée d’orientation scolaire réussie

Une Journée d’orientation scolaire réussie

La Journée d’orientation scolaire du SAIF-SK pour les nouveaux arrivants a attiré plus d’une quinzaine de familles francophones et non francophones.

Monday, September 6, 2021/Author: Mehdi Jaouhari/Number of views (9066)/Comments (0)/
Projet de loi 96 : quel impact pour les étudiants fransaskois ?

Projet de loi 96 : quel impact pour les étudiants fransaskois ?

Le gouvernement québécois veut rapprocher la francophonie canadienne et québécoise, notamment en réduisant les frais de scolarité des programmes universitaires et collégiaux offerts en français. 

Monday, June 14, 2021/Author: Emmanuel Masson/Number of views (12890)/Comments (0)/
Une troisième école élémentaire déjà en pourparlers à Regina

Une troisième école élémentaire déjà en pourparlers à Regina

Depuis l’automne 2018, l’école du Parc de Regina accueille quelque 200 enfants francophones dans l’attente de l’ouverture d’un établissement flambant neuf d’ici septembre 2023.

Friday, June 11, 2021/Author: Lucas Pilleri – IJL-Réseau.Presse/Number of views (12493)/Comments (0)/
Assemblée des députés communautaires: du PDG à l’Académie Rivier

Assemblée des députés communautaires: du PDG à l’Académie Rivier

Pour la deuxième fois cette année, les députés de l’Assemblée communautaire fransaskoise se sont réunis en ligne pour discuter des enjeux touchant la fransaskoisie.

Friday, June 11, 2021/Author: Emmanuel Masson – IJL-Réseau.Presse/Number of views (14854)/Comments (0)/
Les Fransaskois de Saskatoon se préparent à recevoir une nouvelle école élémentaire

Les Fransaskois de Saskatoon se préparent à recevoir une nouvelle école élémentaire

D’ici 2025, les francophones de la ville des ponts sont consultés pour identifier leurs besoins en infrastructure en vue de la construction d'une nouvelle école élémentaire.

Thursday, May 27, 2021/Author: Emmanuel Masson – IJL – Réseau.Presse/Number of views (13730)/Comments (0)/
Académie Rivier : la fransaskoisie attend un signal du gouvernement

Académie Rivier : la fransaskoisie attend un signal du gouvernement

Le budget provincial ne fait aucune mention d’aides financières dans le projet de transformation de l’ancienne Académie Rivier de Prince Albert en un centre scolaire communautaire francophone. 

Monday, May 17, 2021/Author: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Number of views (13401)/Comments (0)/
Révéler nos racines avec un nouveau guide pédagogique

Révéler nos racines avec un nouveau guide pédagogique

Carmen Campagne vient garnir la collection « Atelier » du CCF destinée aux écoliers afin de leur faire découvrir les grands personnages de la culture fransaskoise.

Monday, April 26, 2021/Author: Estelle Bonetto/Number of views (12774)/Comments (0)/
RSS
124678910Last

 - Friday 29 March 2024