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S'exprimer autrement
Cette chronique, en collaboration avec La Cité universitaire francophone,  offre des textes dont les auteurs ont en commun d’avoir choisi le français comme langue seconde.

Nostalgie jazz à Regina et Saskatoon avec Carl Mayotte

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Les 11 et 16 mars, le quintette québécois de Carl Mayotte et le duo fransaskois Résonance, aux styles de jazz en apparence incompatibles, ont offert à Saskatoon et à Regina un spectacle d’une rare énergie et d’une grande maîtrise technique. Les prestations ont fait grand honneur à la fransaskoisie locale, s’inscrivant dans le Mois de la francophonie.

En première partie, le duo fransaskois Résonance, composé de la chanteuse Christie-Anne Blondeau et du contrebassiste Fred Foerster, a offert plusieurs reprises inspirées de grands classiques comme Couleur Café de Serge Gainsbourg.

Le public a réagi très favorablement en particulier à deux interprétations incarnées par le duo : deux odes entraînantes en hommage aux prairies, ses villages et son étendue, soit Quand je m’éloigne des prairies et Quand la nuit tombe sur les plaines du compositeur fransaskois Jeff Staflund.

En version jazz, les paroles poétiques teintées d’humanisme de ces deux morceaux ont fait effet auprès du public : « Quand la nuit tombe sur les plaines/Un rideau s’ouvre dans le ciel/Les corps célestes se penchent/Pour discuter du sort des hommes. »

Une prestation explosive

Le quintette de Carl Mayotte se compose d’une bande de cinq amis musiciens, pratiquement tous dans la fin de leur vingtaine, voire jeunes trentenaires, originaires de la région de Québec.

« On est une bande de chums en voyage, l’Ouest canadien c'est des contrées nouvelles que nous nous plaisons à découvrir grâce à la musique et au kilométrage », blague Carl Mayotte, bassiste et principal compositeur et arrangeur du groupe.

Ce dernier décrit l’un des titres du spectacle comme la poursuite d’un criminel par la police, tandis qu’un autre s’apparente à une course automobile dans un jeu vidéo. Dans un autre registre, les compositions de Carl Mayotte gagnent en amplitude lorsqu’elles s’inspirent des patrimoines musicaux turc et brésilien.

Un vent de nostalgie

Ce jumelage atypique de deux genres de jazz très différents avait malgré tout pour point commun la nostalgie. « Pour moi, en termes de créativité, la nostalgie n’est pas forcément un piège, mais plutôt un moteur », défend Carl Mayotte, lauréat du prix Révélation Radio-Canada en jazz 2020-2021.

Si le duo Résonance a interprété des classiques tels que La vie en rose d’Édith Piaf ou For Me Formidable de Charles Aznavour, le quintette, de son côté, a joué des morceaux qui évoquent les groupes défunts Uzeb, Weather Report et Pat Metheny Band.

Le public a même eu droit à deux versions plutôt qu’une du standard de jazz américain Caravan de Juan Tizol et Duke Ellington. La première a été donnée par le duo fransaskois, d’après une version de Laura Fygi, tandis que la seconde provenait du quintette québécois d’après un arrangement de Francis Grégoire, pianiste du groupe.

Bien que la version de Francis Grégoire démarre de manière lyrique et grandiose avec un duo saxophone-piano, Carl Mayotte dépeint la deuxième moitié comme « un mélange de jazz fusion et de métal progressif. S’il y a un mot pour la décrire, je dirais que c’est une version épique ! », s’exclame-t-il.

« Mon moment préféré de la soirée a été quand les spectateurs ont répondu au refrain en chantant en chœur “Emmène-moi” lors de mon interprétation en français de Take On Me du groupe A-ha », commente quant à elle Christie-Anne Blondeau, originaire du village de Domremy.

« J’ai beaucoup aimé les versions en français des chansons de A-ha et d’Elton John », poursuit Cristian Pereira, directeur de la Fédération des francophones de Saskatoon (FFS), l’un des organisateurs, qui a tenu lors de son discours d’ouverture à rendre hommage au saxophoniste américain Wayne Shorter, décédé le 2 mars dernier.

Virtuosité technique

À la fin du spectacle de Saskatoon, un vieux routier du jazz et bassiste jazz originaire de Toronto s’est présenté au groupe et a comparé de manière très flatteuse le jeu du saxophoniste Damien-Jade Cyr à celui du saxophoniste américain Michael Brecker.

Là où l’influence était encore plus palpable chez Damien-Jade Cyr était certainement dans sa maîtrise des techniques de respiration circulaire développées par le saxophoniste Colin Stetson (Arcade Fire/Bon hiver).

Les spectateurs de Saskatoon ont été complètement hypnotisés par cette technique permettant au musicien de chanter tout en jouant simultanément des notes et en produisant des effets de percussions grâce aux crampons de son instrument.

Les spectateurs ont finalement été comblés par les deux univers musicaux, beaucoup plus compatibles qu’il n’y paraissait à première vue.

 

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