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150 ans

S'exprimer autrement
Cette chronique, en collaboration avec La Cité universitaire francophone,  offre des textes dont les auteurs ont en commun d’avoir choisi le français comme langue seconde.

Tenons les rênes de la conservation

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Crédit : Clara Superbie

Publié en janvier 2022 dans le magazine Biological Conservationun article scientifique de l’Université de la Saskatchewan s’intéresse aux différents mécanismes conduisant au déclin des populations du caribou des bois dans la province. Mieux protéger cette espèce, voilà tout l’enjeu.

Cette sous-espèce menacée, Rangifer tarandus caribou de son nom latin, est présente dans la majorité des provinces et territoires canadiens. Elle affectionne les habitats peu productifs offrant une faible diversité végétale afin de se protéger d’éventuels prédateurs. En Saskatchewan, le caribou des bois recherche tout ce que vous évitez : les tourbières et les peuplements d’épinettes noires.

Les politiques de conservation de l’espèce sont globalement décidées à partir d’études menées au sud de son aire de répartition, là où les perturbations anthropiques, c’est-à-dire humaines, sont les plus fortes. 

En exploitant les forêts, les activités industrielles favorisent l’expansion d’essences riches et nutritives (peuplier faux-tremble, bouleau…) qui attirent d’autres herbivores comme les cerfs ou les orignaux. L’habitat fonctionnel du caribou se retrouve alors réduit et plus concentré en proies, entraînant une augmentation des prédateurs. C’est ce qu’on appelle dans le jargon la « compétition apparente amplifiée par les perturbations ». 

Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, les infrastructures humaines linéaires telles que les routes fragmentent le paysage et facilitent le déplacement des loups jusqu’aux refuges des caribous, à savoir les forêts matures de conifères. 

Mais quid des populations qui vivent loin des perturbations humaines, dans le wild, la vraie nature sauvage, là où le chant des oiseaux couvre encore le ronronnement des moteurs ? Là où seulement 3 % de l’habitat est à moins de 500 mètres d’infrastructures humaines ? Là où les perturbations sont au contraire largement d’ordre naturel comme les feux de forêt, accentués cependant par le réchauffement climatique ? Les interactions proies-prédateurs sont-elles les mêmes au point de menacer le caribou ? Nos stratégies de conservation de l’espèce y sont-elles pertinentes ? 

Voilà tout l’intérêt d’étudier la population de caribou des bois du bouclier boréal de la Saskatchewan. Les recherches menées montrent que les menaces naturelles dans le nord de la province auraient un effet différent des menaces anthropiques, car les forêts y sont résilientes et les conifères sont capables de recolonisation rapide après les feux de forêt d'origine naturelle. L’arrivée massive d’autres espèces d’herbivores, et donc de prédateurs, reste alors limitée.

Par ailleurs, les caribous du nord de la Saskatchewan ne semblent pas éviter les infrastructures linéaires supposées dangereuses par une présence accrue du loup. Cela s’explique sans doute par la très faible densité de ces infrastructures dans cette nouvelle aire d’étude comparée aux provinces plus développées.

Finalement, la conclusion suggère que les stratégies de conservation du caribou vivant dans les deux tiers du nord du bouclier boréal canadien devraient se concentrer sur les menaces d'origine humaine plutôt que naturelles.

 

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