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S'exprimer autrement
Cette chronique, en collaboration avec La Cité universitaire francophone,  offre des textes dont les auteurs ont en commun d’avoir choisi le français comme langue seconde.

Je vous présente M. Lucien Gagnon

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Lucien Gagnon

Lucien Gagnon

Photo : Alexis Normand

Ponteix est comme plusieurs villages fransaskois : tranquille, paisible, population vieillissante, etc. Un endroit où les traces de l’héritage francophone sont visibles un peu partout : les noms des rues, de l’église, etc.

 

J’y ai passé deux jours à la fin juin et on m’a hébergée dans un appartement meublé chez Bridges – une résidence pour les personnes âgées. Mon voisin était Lucien Gagnon. À 80 ans, il passe les journées ensoleillées assis dehors sur une chaise en plastique à regarder le trafic et à jouer de la musique à bouche. C’est là, d’ailleurs, où il m’a accueilli avec un gigantesque sourire : « J’ai une voisine!! » il m’a dit en me rencontrant... j’ai senti sa déception après que je lui ai expliqué que j’y serai que pour deux soirs, mais un bonheur tout de même de pouvoir jaser avec quelqu’un.

 

Lucien Gagnon

 

J’ai sorti ma guitare pour jammer avec lui, mais comme il s’essouffle rapidement, après quelques chansons il m’a invitée dans son appart pour me montrer ses œuvres d’art. Son showcase était plein de bébelles fabriquées de matériaux recyclés. La première qu’il m’a montrée est une sorte de vieux téléphone fait en bouteille de bière. L’aluminium semblait être son médium préféré. Il passait des heures à découper, courber et façonner des boîtes de conserves pour créer des cadres de photos, des plumes, des chandeliers, des objets religieux, etc. Par la suite, il décore ses œuvres en utilisant des crayons de couleurs, de la colle à paillette, des billes en plastique ou n’importe quoi qui fait ‘joli’. Il m’a raconté que sa femme (maintenant décédée) portait parfois une de ses plumes en aluminium dans son chapeau. C’est cute à mort.

 

Œuvre d’art

 

L’arthrite lui empêche d’en faire aujourd’hui, mais il vend parfois ses œuvres (valeur totale vendue de 700 $ jusqu’à date). Il est très fier de son travail et adore raconter l’histoire associée à chaque œuvre (of course!). Il m’a raconté que son ami lui donnait des sacs de poubelle pleins de contenants d’aluminium pour ses œuvres. L’ami en question travaillait au pénitencier à Prince Albert où il ramassait les boîtes de conserve en aluminium de la cuisine.

 

Cadre de photo

 

Il fabrique aussi des objets en bois – notamment une petite table de chevet sur laquelle sa femme mettait des fleurs. Il dit avoir ajouté une marqueterie de marbre sur la table (par cela il veut plutôt dire qu’il colle des billes en verre en périmètre sur le dessus). Il m’a expliqué ça en anglais : « marble inlay ».

 

Cage d’oiseau faite d’une bouteille de 7UP

 

À la fin d’une bière, il m’a donné un de ses objets.  En échange, je lui ai offert un de mes albums. Il était si ému qu’il avait les larmes aux yeux... et moi aussi peu après. Ce fut un beau rappel de la beauté d’une simple rencontre humaine. Il faut prendre le temps de créer ces liens, de visiter.

 

Un article publié dans le Prince Albert Daily Herald en 1982

 

Si jamais vous êtes de passage à Ponteix, je vous conseille fortement d’aller lui rendre visite. M. Gagnon habite le #3... et il passe ses après-midi sur le perron en jouant la musique à bouche.

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