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Le point sur le RIF - Chronique du Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan

La Saint-Jean délaissée par les Fransaskois

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Saint-Jean 2020
La Saint-Jean a été célébrée par un concert du groupe Ponteix en 2020, loin des symboles traditionnels que recouvre la fête ailleurs au pays.
Crédit : Leslie Diaz

Les fêtes nationales, à l’instar de la Saint-Jean-Baptiste, rythment le calendrier. Mais comment les Franco-Canadiens vivent-ils ces célébrations ? Des universitaires répondent à la question avec un nouvel ouvrage publié le 10 mai, intitulé Entre solitudes et réjouissances : les francophones et les fêtes nationales, 1834-1982

Publiée aux éditions du Boréal et codirigée par les historiens Marcel Martel et Joël Belliveau, l’étude se propose de retracer les origines et l’évolution de six grandes fêtes nationales canadiennes : la Saint-Jean-Baptiste, la fête de la reine Victoria, la fête de l’Empire, la Journée nationale des patriotes, la fête du Canada et la fête nationale de l’Acadie.

Les fêtes nationales sont un phénomène assez récent dans l’histoire, apparues au 19e siècle avec la naissance des États-nations : « Pour que les gens assimilent ce concept, les États ont mis de l’avant des fêtes nationales », explique Michael Poplyansky, professeur à la Cité universitaire francophone de l’Université de Regina et coauteur du recueil.

Le cas de la Saint-Jean-Baptiste

Couverture de l’ouvrage
Couverture de l’ouvrage Entre solitudes et réjouissances : les francophones et les fêtes nationales, publié aux éditions du Boréal
Crédit : Courtoisie

L’origine de la fête des Canadiens français remonte à 1834. Alors fête patronale, cette dernière leur permet d’affirmer leur nationalité, de même que les Anglais avec la Saint-Georges, les Irlandais avec la Saint-Patrice et les Écossais avec la Saint-André. Elle devient fériée en 1925 au Québec.

« Il y avait une tendance d’implanter dans l’Ouest des traditions canadiennes-françaises par des missionnaires colonisateurs pour la plupart originaires du Québec », explique Dominique Laporte, professeur agrégé au Département de français, d’espagnol et d’italien de l’Université du Manitoba, est l’auteur du chapitre intitulé La fête de la Saint-Jean-Baptiste dans l’Ouest canadien au 20e siècle.

Néanmoins, après avoir épluché les archives des journaux francophones de l’Ouest et des sociétés historiques, l’universitaire conclut que la Saint-Jean ne s’est bien implantée que dans deux localités de la province : Gravelbourg et Willow Bunch. 

« Il y a eu une société provinciale de la Saint-Jean-Baptiste qui a essayé de fédérer des associations locales, mais ça n’a pas vraiment duré, constate-t-il. C’est plutôt l’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan [ancêtre de l’Assemblée communautaire fransaskoise actuelle] qui a été l’organisme fédérateur. »

Une différence majeure avec la province voisine du Manitoba où la Société de la Saint-Jean-Baptiste, créée à la fin du 19e siècle à la Broquerie, a assuré l’ancrage culturel de la célébration au fil des ans.

Une fête boudée

Surtout, le livre s’intéresse à la manière dont les fêtes nationales ont été vécues par les populations. L’évolution du nom des fêtes nationales révèle ici un changement des considérations : on est ainsi passé de la fête de la Confédération à la fête du Canada, de l’Assomption à la fête nationale de l’Acadie, et de la Saint-Jean-Baptiste à la fête nationale du Québec.

« Dans les années 1970, le mouvement indépendantiste québécois voulait prendre la Saint-Jean pour leur fête patriotique, mais les Canadiens français ne se retrouvaient pas dans ce projet. À partir de ces années, beaucoup de communautés francophones ont commencé à moins célébrer la Saint-Jean au profit de fêtes régionales », relève Michael Poplyansky.

Le professeur en veut pour preuve l’émergence de la Fête fransaskoise qui s’est imposée d’année en année dans la province : « C’est devenu plus important que la Saint-Jean dans le calendrier de la communauté francophone de la Saskatchewan », résume l’universitaire.

En outre, « les nouveaux francophones ne se retrouvent pas nécessairement dans la Saint-Jean », note Michael Poplyansky. Qu’ils soient d’Europe, des Caraïbes ou d’Afrique, les nouveaux arrivants d’expression française ne célèbrent pas nécessaire la Saint-Jean.

Publié aux éditions du Boréal, l’ouvrage Entre solitudes et réjouissances : les francophones et les fêtes nationales, 1834-1982 est codirigé par Joël Belliveau et Marcel Martel, et comprend la contribution de Marc-André Gagnon, Dominique Laporte, Serge Miville et Michael Poplyansky.