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Denis Desgagné, en première ligne contre l'isolement identitaire

Portrait d'un homme passionné

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Denis Desgagnés

Denis Desgagnés

Avant sa nomination par le gouvernement du Québec comme nouveau PDG du Centre de la francophonie des Amériques à Québec en novembre 2010, Denis Desgagné assumait la direction générale de l'Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) depuis 1999. Nous l'avons rencontré le 6 juin dernier dans son bureau à Québec pour discuter de son parcours dans la francophonie canadienne. 

Tout commence en Outaouais

Le parcours de M. Desgagné débute en Outaouais, au Québec. Il se souvient qu'enfant, lorsque les balades en voiture avec son père les amenaient en Ontario, il scrutait les alentours pour tenter « d'apercevoir des anglophones ». Un climat de méfiance flottait dans l'air à cette époque. « On revient de loin. Quand j'étais petit on me disait de faire attention aux anglos de l'autre bord de la track. On avait peur d'eux. » En âge de faire ses propres balades, il n'avait pas à aller bien loin sur son vélo pour arriver à Ottawa, là où il ignorait totalement qu'il y avait aussi des francophones.

C'est à l'adolescence, par le biais de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne - qui s'appelait alors la Fédération des élèves du secondaire franco-ontarien, qu'il a son premier contact avec la francophonie hors Québec : « Je me suis aperçu qu'il y avait un drapeau franco-ontarien ». Il s'implique dans divers projets communautaires et parascolaires. C'est à cette époque que son frère part travailler pour Radio-Canada Saskatchewan. À l'occasion de son mariage avec une Fransaskoise de Zenon Park, M. Desgagné, alors âgé de 15 ans, se rend en Saskatchewan pour la première fois. « Ça a été le coup de foudre pour moi cette francophonie. » 

L'Alberta, le début de l'aventure

Sa carrière débute de façon impromptue. Ayant fini ses études au Collège Algonquin à Ottawa en 1986, il est sensé y travailler comme aide-professeur mais reçoit une convocation pour une entrevue avec Francophonie jeunesse de l'Alberta, sa candidature ayant été soumise par un de ses pairs. Il saute sur l'occasion et avec sa fortune de 400$, il achète un aller-simple pour l'Alberta et part vers l’inconnu avec sa petite valise. Il aboutit à Rivière-la-Paix, à 500 km au Nord-Ouest d'Edmonton, pour un contrat de 5 mois de travail communautaire avec la jeunesse francophone. On lui propose ensuite de s'occuper d'un camp Katimavik qui accueille plus d'une centaine de jeunes par année avec peu de ressources, sans services publiques ni infrastructures. « Nous n'avions pas de toilettes ni d'électricité et nous étions envahis par les souris et les ours. Il a même fallu en abattre un parce qu'il attaquait. Les conditions étaient terribles, terribles, terribles… »

La passion de M. Desgagné est palpable. Il se remémore ses expérience en cascade.. « C'était une folie extraordinaire. J'aime organiser et on m'a donné la chance de le faire […] C'était comme 'retenez-moi'! ». 

Assumant l'intérim du poste d'agent de développement pour l'Association canadienne-française de l'Alberta (ACFA) dans la région, il participe à la création de l'école Héritage à Jean Coté, où la nouvelle direction lui donne un mandat de création et de rédaction d'une stratégie de développement identitaire par la langue et la culture. «  Il fallait réfléchir à quelque chose de différent d'une école d'immersion ou d'une école anglophone ». Parallèlement, il continu de s'impliquer dans les camps de vacances et dans diverses activités communautaires et bénévoles.

En 1991 il passe à la direction de l'ACFA où il restera 7 ans. Lui et son équipe d'une vingtaine d'employés parviennent, entre autres, à mettre sur pied une radio communautaire et à créer un bureau d'aide à l'emploi offrant des services aux francophones comme aux anglophones. Il fonde également les Jeux francophones de l'Alberta et les Jeux de l'Ouest canadien. En mars 1998, il s'attaque à un projet ambitieux à Grande Prairie où il déménage avec son épouse. Le Conseil scolaire du Nord-Ouest no 1, à grande majorité francophone, doit se battre pour garder son autonomie. Comme nouveau directeur du développement, Denis Desgagné a 6 mois pour créer une nouvelle école francophone et en ouvrir les portes à temps pour la rentrée scolaire de septembre. « On est parti de rien. On ne connaissait personne [ma femme et moi]. On a pris le bottin de téléphone et on a appelé tout ce qui semblait francophone dans la région ». 

On trouve un édifice, un vieil entrepôt qui ne peut être occupé qu'à partir du mois d'août. La périlleuse entreprise s'avère toutefois un succès total et M. Desgagné assume la direction de l'école Nouvelle Frontière et de ses 23 élèves du primaire pendant quelque temps, jusqu'à ce qu'il puisse être remplacé par un membre de l'Alberta's Teachers Association. Sa mission en Alberta est terminée.

Son attention se tourne alors vers la Saskatchewan où l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC) est en difficulté... 

Un nouveau front: la Saskatchewan

Après un long parcours en Alberta jalonné de défis ambitieux, Denis Desgagné est prêt à entamer un nouveau chapitre. Son ami George Arès, alors président de l'Association canadienne française de l'Alberta (ACFA), est alarmé pas ce qui se passe à l'Est: « Il m'a dit Denis, il y a un grave problème en Saskatchewan [...] tu devrais aller là ». C'est donc en janvier 1999 qu'il met le cap sur la fransaskoisie.

C'est que l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC), qui se pose en porte-parole et défenseur de la fransaskoisie depuis sa fondation en 1912, est en eaux troubles. Suite à un vote de non confiance qui a passé à une voix d’être adopté deux ans plus tôt, l’organisme a implosé et est devenu dysfonctionnel. Des états généraux ont été convoqués et un comité de restructuration a été mis sur pied pour revoir de fond en comble le modèle de gouvernance de l’organisme. 

En tant que directeur général, M. Desgagné se voit donc confier le mandat de mettre en pratique la nouvelle structure. L'ACFC prend, dès 1999, le nom d'Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) et se transforme sous les thèmes de la transparence et de l'imputabilité. La restructuration est profonde et efficace. L'ACF deviendra un modèle de gouvernance dans le milieu communautaire et exercera une influence pan-canadienne et même au-delà. M. Desgagné est reconnaissant d'avoir pu contribuer à la réflexion sur l'éthique dans le communautarisme. « Quel honneur d'avoir pu travailler avec ces gens... Ça a changé ma vie ».

Sous la direction de M.Desgagné, l'ACF s'affaire au fil des ans à trouver des solutions spécifiques à certains problèmes criants. On note la fondation de l'entreprise Baudoux Communications, qui construira les infrastructures qui donneront accès à Internet haute vitesse à diverses communautés rurales, francophones comme anglophones. Elle fait la promotion de l'agriculture du terroir, qui, outre certains bénéfices économiques, favorise surtout un renouement avec les traditions culturelles et identitaires des communautés rurales francophones. M. Desgagné a voyagé à l'international, et notamment dans l'Aubrac français, afin d'étudier les méthodes et stratégies utilisées ailleurs. 

Il y a eu aussi la création d'un partenariat, qu'il qualifie de « très beau tandem », avec l’Institut français de l’Université de Regina (devenu depuis la Cité universitaire ) pour encourager le partage des connaissances au sein de la frasaskoisie et favoriser l'accès au savoir.

M. Desgagné croit que la fransaskoisie fait toujours face à des défis qui lui sont propres. Outre la dispersion démographique sur le grand territoire de la Saskatchewan, elle doit prendre garde aux modèles d'affaires qui s'éloignent de la solidarité communautaire. « C'est bien de faire de l'argent mais il ne faut pas sacrifier notre culture et nos valeurs humaines ». 

Retour au Québec

« J'aimais beaucoup la Saskatchewan, le travail que j'y faisais, les gens... ». M. Desgagné n'était pas pressé de quitter. Mais en 2010, le gouvernement québécois doit nommer un nouveau président-directeur général au Centre de la francophonie des Amériques (CFA), un jeune organisme qui a pour mission de faire rayonner la francophonie de tout le continent et d'enrichir les liens entre les diverses communautés qui la composent. 

Hésitant à soumettre sa candidature, il bénéficie toutefois de la perspective de ses proches: « On me disait t'es malade! C'est un poste unique comme agent de développement! Prends-le!». Ce qu'il fera. Sa petite famille et lui, non sans émotion, partent s'installer dans la ville de Québec.

Parmi les activités du CFA depuis son arrivée, M. Desgagné parle chaudement d'un dossier qui lui tient à cœur: la création de la Bibliothèque des Amériques, une bibliothèque en ligne qui a déjà quelques milliers de titres presque exclusivement francophones et dont la fonction première est de permettre aux petites communautés d'avoir accès à la littérature francophone. (Voir l'Eau vive 26 mai 2016) « Le livre, la littérature, c'est un outil de développement fondamental pour la francophonie ». 

Denis Desgagné est un homme d'action qui mène par l'exemple. Tout au long de son parcours, il a su mettre la passion, l’énergie et l'optimisme qui le caractérisent au service des autres et de la francophonie. 

CFA http://www.francophoniedesameriques.com/le-centre-2/

Bibliothèque des Amériqueshttps://www.bibliothequedesameriques.com

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